mercredi 26 juin 2013

Sortie de la 12ème promotion de l'IFM Hégire de Tombouctou



La sortie de la deuxième promotion de l’IFM Hégire de Tombouctou a été l’occasion pour le comité d’organisation de programmer une grande fête. L'institut de Formation des maitres est special car bilingue -français-arabe- a été créé en 1997 et résidait à Tombouctou avant d’être relocalisé à Bamako suite à l'occupation de la ville des 333 saints par les faux moudjahidines.

Elle avait une forte connotation politique  avec la présence du Ministre des affaires religieuses et du culte Dr Yacouba TRAORE , en était le parrain. Son garde de corps faisait bien peur, mais le centre islamique de Hamedallaye était lui fort accueillant.
 La cérémonie a débuté avec un retard bien malien. Je suis moi-même venue en retard, trouvant le ministre, le directeur général de l’IFM hégire Mahmoud Ka et le président de la promotion  Mohamed Djiré (un élève que j’appréciai en classe. Calme et respectueux) bien assis sur le podium.
Je représente le corps professoral et devrait animer une conférence sur la paix avec un autre professeur de langue arabe. Youssouf Mossa qui en plus de son étiquette d’imam, est chargé des cours  de psychopédagogie dans l’institut.
 Les discours se sont enchainés  avec pour maitre de cérémonie un prêcheur de la chaine Africabletélévision. D’abord les lèves-maitres sortants, ensuite moi (qui n’avait rien préparé car ne sachant pas que j’allais faire un discours) ensuite le directeur général de l’IFM hégire et enfin le ministre.
 Les élèves ont profité de la tribune pour émettre leurs doléances  au ministre oubliant qu’il ne s’agit pas du ministre l’éducation mais celui des affaires religieuses et du culte. Mais ils me répondront qu’on ne fait son omelette qu’avec les œufs qu’on a .  Il est au gouvernement. Il en parlera  certainement. Je suis sceptique. Nous sommes au Mali. Mais bon…  ce n’est pas le ministre de l’éducation. Un renforcement du français ? la possibilité de continuer les études à l’université pour les sortants de l’hégire ? pas très réfléchi comme proposition car il y  aura conflit d’intérêt ou si ce n’est une utopie.

L’intervention du directeur général de l’IFM Hégire  de Tombouctou a été très émouvante. Cet homme  a vu la rébellion et l’attaque des faux djihadistes  saccager tous les établissements de l’état, dans le sillage de l’hégire à Tombouctou, je peux vous parler du CAP (centre d’animation pédagogique) , de l’académie, de l’INPS qui ont été complètement détruits. Les dossiers et les actes de naissance des enfants volaient au gré du vent.  Si nos bureaux, nos ordinateurs, nos livres, nos climatiseurs et surtout notre groupe électrogène ont été épargnés, c’est certainement à cause de ce nom fort évocateur de cet Institut de Formation de maitre, le seul de la sous-région a l’habitude de dire notre premier Directeur général Seydou Touré aujourd’hui décédé. Mais la veille Toyota et la moto DT ont été emportées. Emporté aussi la tranquillité et la quiétude des élèves-maitres qui ne cherchaient qu’à retrouver leur différentes familles au Sud. C’est bon à savoir, les élèves sont des sortants des médersas de toutes les régions du Mali. 

 Le directeur, les professeurs et les élèves ont ensuite été rappelés pour continuer les cours à Bamako. Le nouveau local ? le bloc scientifique de Missira , qui d’ailleurs n’a plus rien de scientifique. Des anciens Laboratoire qui servaient aux établissements  scolaires il y a belle lurette. Des bancs ont été confectionnés, les classes ont été à peine dépoussiérés, une couche de peinture sur les tableaux et hop ! Hégiriens étudiez ! Pour avoir une salle pour accueillir l’administration, il a fallu faire sortir des livres et des vieux ordinateurs.  
Une  seule table pour le directeur général, le directeur des études et les surveillants. On y a déposé un ordinateur qui a été envoyé de Tombouctou. Une liste à imprimer ? Il faut aller au cyber qui se trouve à l’angle. L’économe aussi a eu une table à lui. Il y procède à  la paye de la bourse.   L’entrée est complètement obstruée par les élèves qui  intéressés par l’argent ne pensent plus à la bonne conduite. Mais moi quand j’arrive ils disent: laissez passer « madame ».
Les classes sont sales et couvertes de toiles d’araignée. Les robinets des lavabos suintent continuellement.  Le tableau est tout sauf noir. Il est fait de bois, le contact perpétuel de l’eau le fait craquer et  la peinture s’en est allé bien vite.
 Il y a bien un gardien que nous avions trouvé sur place, mais la cour n’a commencé qu’avec l’arrivée de Smaguel, le manœuvre qui a fait le déplacement depuis Tombouctou il n’y a pas si longtemps.
  La vie a continué et continue malgré toutes les difficultés. On dirait que personne ne sait que tout le personnel de l’hégire, les professeurs, les élèves maitres ont vécu une situation de guerre des plus traumatisantes.  Aucune assistance ou soutien psychologique d’aucune sorte.
D’ailleurs, une cohorte de bleus sont venus se joindre à nous pour l’année scolaire 2012-2013. Ils n’osent se plaindre. Ils n’ont pas connu Tombouctou, ni l’internat.  Ils voient bien qu’ils y a des élèves qui habitent en classe.
Oui en classe. Parfois en plein cours, tu vois un élève d’une autre classe demander à rentrer. Au début, je demande qui  il désire voir mais à la fin, je me contente de plaisanter en leur demandant de ne pas se déshabiller devant nous.
Cette promotion qui sort peut vraiment dire ouf. On devrait joindre au diplôme de l’hégire celui du courage. Ce sont ces élèves-maitres qui méritent le  titre  honorifique de « moudjahidine ».
Une fois les officiels partis, place à deux conférences fortement liées à la guerre et au déplacement forcé que nous avions connu. les thèmes étaient la réconciliation et la paix. j'ai animé la conférence sur la paix commençant pour une explication littéraire du mot avant de voir le concept en entier. le point culminant étant les 10 règles de la paix.

dimanche 16 juin 2013

8 mars fete des femmes



8 mars, journée internationale de la femme qu’on appelle même la fête de la femme.  Une journée  attendue par les féministes  avec impatience, je me demande si elles ne commencent pas le décompte dès le réveillon. Ce n’est pas parce que je ne le suis pas –féministe- que je ne fête pas la 8mars, non je le fête à ma façon.
Au Mali le 8 mars, les femmes désertent leurs postes  pour se retrouver et faire la bamboula: chanter, danser, habillées de l’uniforme. En effet au Mali, chaque journée a son pagne dédié  et  un thème national celui de cette année est « L’élimination et la prévention de toutes les formes de violences à l’égard des femmes et petites filles. C’est l’occasion pour parler des violences faites aux femmes notamment  en cette période de guerre que connait le Mali.  Les femmes  sont les proies rêvées ; elles ont été violées, battues si ce n’est mariées de forces à ces va-nu-pieds  qui prétendent appliquer la charia et parfois déplacées soit au du Mali ou dans les pays limitrophes vivants dans des conditions inqualifiables. Le Thème internationale pour cette journée est bien choisie et elle me satisfait « Une promesse est une promesse : il est temps de passer à l’action pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes».  les défis du millénaires sont bien nombreux et variés, mais je ne peux m’empêcher d’avoir une grimace quand je vois les défenseurs de la cause féminine se perdre dans des débats autour de la non représentabilité des femmes au niveau politique, à la tête des entreprises, dans les postes importants , ils en oublient ces pauvres femmes rurales qui travaillent comme des forcenées  pour faire vivre leur famille.
Quand on me parle de l’émancipation dont les femmes ont besoin, je ne dis point NON, ce n’est pas cette  recherche frénétique de l’égalité des sexes , au risque de m’attirer les foudres des dragons du féminisme qui crient à plein poumon « égalité entre les sexes » avant de s’embarquer dans les luttes pour l’éducation, la représentativité des femmes dans les instances gouvernantes, faisant le tour du monde à se réunir dans des conférences et des colloques de tout genre.
Mes élèves s’énervent presque de me voir venir faire cours le 8mars, mais bon   « ce jour-ci je vais vous parler de cette fête des femmes, son histoire, ce qu’est le féminisme, pourquoi je préfère ma classe à tout ! ».  La fête de la femme ce n’est pas seulement une journée de tapage autour de toutes les injustices faites aux femmes, ce n’est pas seulement des émissions télé sur des femmes qui sortent de l’ordinaire en faisant des métiers d’hommes. NON !
Impact sur les vraies victimes ??? Au mali les femmes continuent à se battre pour leurs familles faisant du petit commerce au rail-da, passant la journée au marché à vendre à la sauvette des petites marchandises, quelques-unes arrivent à se faire une place dans ce domaine fortement masculin. C’est quand je vois ces vieilles femmes dans les poubelles, cherchant les plastiques qu’elles revendent ensuite  que j’ai envie de m’indigner, pire me révolter : ces associations féminines ne vont pas me dire qu’elles ne les voient pas alors qu’elles opèrent au centre-ville !Nos  traditions sont tenaces ; c’est vrai , elles réduisent les femmes à leur rôle ménagère et de reproductrice , oui il faut œuvrer pour  l’alphabétisation de la petite fille, mais il faut faire quelque chose pour celle qui ne sont plus à cette étape, qui ont besoin d’assistance  pour améliorer leur vie.
La ville dont je viens accorde une grande liberté à la femme qui  peut autant jouir de l’éducation que le garçon.  A Tombouctou, les petites  filles vont à l’école coranique  en même temps –et d’ailleurs à la même heure, l’aube- que les petits garçons.  C’est certainement la raison première de l’intérêt des pseudo-djihadistes à leur égard.  Je profite d’ailleurs de l’occasion pour féliciter ces femmes  qui ont résisté avec dignité. Mais il ne faut pas oublier les victimes des coups de fouets, des mariages forcés avec  les occupants : en effet certains parents ne voyaient que les milliers d’euro que possédaient ces candidats au mariage d’un jour.  Je pense notamment à cette fillette qui aurait été marié aux islamistes à Tombouctou qui auraient été enchainée par son mari parce qu’elle s’enfuyait dès qu’elle en avait l’occasion. Qu’est-elle devenue ? Que sont devenues toutes ces femmes de Tombouctou qui se sont retrouvées à Bamako, une ville étrangère aux mœurs et aux habitudes différentes de celles du nord ? Je sais qu’elles y sont encore car les routes ne se sont pas encore libres et on ne parle pas de retour malgré  «  la reprise » de la ville des 333 saints par les armées maliennes et françaises. Je sais quand même qu’elles souffrent comme moi  d’ailleurs, elles ne peuvent que souffrir. 

Quand j’étais à Tombouctou, j’étais fière de représenter comme la ponctualité  au cours de législation scolaire et de Morale professionnelle. L’hégire était à la sortie de la ville, mais cela ne m’empêchais pas d’être à l’école bien avant les professeurs qui y habitaient-et cela ne m’en a pas donné du mérite d’ailleurs !- ce n’est pas facile d’être la seule femme qui enseigne dans un institut de Formation des maitres franco-arabes de surcroit quand vous savez la connotation négative que ces arabisant-ce n’est pas réducteur  ce sont eux qui s’appellent ainsi et moi et mon collègue qui faisons français sommes des francisant-  quand ils me surnomme « femme de fer » je réplique qu’il ne faudrait pas que je suis « une femme d’enfer » ils ne comprennent pas la nuance mais moi j’en ris toujours. Ils n’aiment « ni les femmes » instruites ni le français que j’enseigne et nous sommes comme chat et chien mais j’y suis, j’y reste c’est ma meilleur façon de m’émanciper.
Bamako ne m’a pas fait perdre cette qualité mais que d’efforts : pour être à l’heure à Missira je me faut me réveiller dès 5h du matin,  faire ma toilette et m’apprêter pour sortir chercher la sotrama à 6h pour arriver à 7h 40 mn –avant tout le monde encore !-  maintenant que j’ai ma moto, je me réveille plus tard mais un autre calvaire : la circulation de Bamako, au bout de la journée je suis complètement ratatinée et je n’arrive même plus à avoir mon humour pour écrire  tellement je suis fatiguée, mes épaules me font mal les yeux me démangent.
Etre refugiée –non je rectifie déplacée comme dit ma tante M’barka(une vieille  dame qui aime parler français et abuse du terme c’est pas normal, d’ailleurs ses petits-enfants l’appellent c’est pas normal) qui affirment qu’on ne peut pas être refugié dans son propre pays-à Bamako est une autre réalité toutes les Tomboctiennes ; Il y en a d’ailleurs qui ont choisi de retourner vivre sous les sévices des Islamistes plutôt que de rester de vivre dans ces conditions qu’elles trouvent inhumaines à Bamako.  Chez elles, elles ont de grandes maisons à elles, elles prennent tranquillement le temps de se réveiller, préparant le petit déjeuner –de la viande- pendant que les enfants vont chercher le pain traditionnel au four. Elles font le thé pour leur mari en causant, d’ailleurs elles y restent jusqu’au coup de 10h du matin, c’est à cette heure que les boucher amène la viande au marché de Tombouctou.  De retour à la maison, elles boivent ce qu’on appelle  « la boule » au Niger, de la poudre de mil enrichie avec du fromage, des condiments et du sucre.
Je n’ai pu mot dire quand j’ai vu une femme –représentante des associations et ONG féminines du Mali ?- demander aux femmes de fêter le 8 mars dans la tranquillité sans ces grandes balani ni sumu. Raisons ? État d’urgence !!!
A Tombouctou, où l’état tarde à se montrer alors que les salafistes ont pris la poudre d’escampette –à mon grand étonnement – le 8 mars sera un jour comme les autres.

samedi 15 juin 2013

Je suis malienne, j'aime les motos



 
Les motos ne sont pas des  engins réservés uniquement à la gente masculine... En tout cas pas au Mali. Chez moi de Kayes à Kidal en passant par Tombouctou et son sable fin qui fait tomber (surtout les femmes, faisant fi de la promotion féminine et de la parité homme-femme.) tous les jours.
L’avènement de la  Djakarta au Mali a coïncidé avec  l’ère de la fausse démocratie  qui a suivi le soulèvement populaire contre le pouvoir de Moussa Traoré (président de 1968 à 1991).
Avant cette période, avoir une moto était un privilège pour quelques maliens aisés. Les femmes ne pouvaient s’acheter de tels bijoux, d’ailleurs elles préféraient à cette période les vrais bijoux (bien plus brillantes). Mais il ne faudrait pas que j’oublie la relation entre les villageoises- je veux dire les femmes rurales- avec la bicyclette. Elles parcourent des kilomètres entre le village et les champs qui peuvent être bien éloignés. Comme au Burkina Faso d’ailleurs. Les citadines préfèrent emprunter   les sotramas, se disputant quotidiennement avec les apprentis chauffeurs qui sont de véritables  spécimens en matière  d’impolitesse. 
La vantardise est un sport national au Mali. Il suffit d’avoir un lien éloigné avec une personne qui a un petit mérite dans un domaine et hop ! On s’en vante. Mon frère est procureur ! C’est ma cousine! C’est ma sœur ! Il est douanier et possède trois voitures luxueuses (sinon plus), ma sœur est marié à tel artiste ! Mais je n’ai vu personne se vanter connaitre  un apprenti de sotramas, le mentionner même dans une conversation.  C’est à se demander s’ils sont tous des orphelins  et n’appartiennent à aucune famille. Je me suis tordue de rire en attendant un vieillard faire des bénédictions à un enfant qui le soulagea du poids qu’il portait «  Que Dieu  ne fasse pas de toi un apprenti qui n’a pas de famille ni d’ami ».
Avec la libéralisation des prix et le développement du commerce avec la Chine, les Djakartas ont fait leur apparition dans la circulation de Bamako qui a fait peau neuve par le truchement de Alpha Oumar Konaré qui a clairsemé des monuments-que les bamakois appellent « boli » fétiches- dans les carrefours de la capitale.  Cela a été suivi d’une augmentation des salaires qui désormais tombent à terme échu. Le prix de  ces motos qui ont l’avantage d’une consommation basse et  d’une faible pollution (d’après les fabricants car elles fument beaucoup quand elles vieillissent). Le prix varie entre 350.000 à 400.000 F CFA selon le model.
Le premier model était appelé « Fuser pas le verbe fuser hein mais lire fuzaire ». Elle était plutôt jolie avec un bruit de moteur que j’adore.  Mais elles ont présentement disparu pour laisser la place au modèle que nous avons maintenant qui ont connu multiples transformations. Les premières avaient des raillons dans les  roues.  On n’avait pas cette diversité de couleur que nous voyons maintenant. A chaque mois, sa couleur de moto à la mode à Bamako. Le mois dernier c’était la couleur rouge vif. Très brillant. Très plaisante. Il y a eu avant la couleur orange. Ces jours-ci la couleur Rose       est de sortie. Elle me plait aussi. Très élégante, elle marierait facilement les tenues féminines, surtout quand les roues sont décorées d’or. 
Les motos sont chères d’où l’intérêt des femmes qui voient en elles une bonne manière d’étaler l’aisance financière de leurs familles, de leurs conjoints ou même de leur banquiers (celui avec lequel elles sortent pour son argent). Au Niger où les djakartas n’ont pas connu le même essor, les femmes préfèrent les Yamaha Mate 50 qui arrivent des ports de Lomé et de Cotonou comme des occasions bien chères. Elles y sont surnommées « Mon mari est capable » et ne sont pas offerte à toutes.  C’est une moto typiquement féminine même si certains hommes la conduisent.
 Au Mali on dit simplement  « Mate Dame »  ou « Mate orange » et du fait de sa fabrication japonaise le prix approche le million de CFA.
Il n’y a pas d’âge ni de condition pour conduire une moto au Mali. Le port du casque n’est même pas obligatoire. On a bien tenté de l’introduire de force après les multiples campagnes de sensibilisation, mais personne ne s’y fait. Même les blancs, je veux dire les occidentaux (car il y a des maliens blancs !) abandonnent cette bonne habitude en arrivant à Bamako où tout le monde conduit tête nue quitte à se la fracasser contre une pierre au premier accident. Je n’ai pas de casque et je suis toujours sur mon char, même pour acheter une carte de recharge pour mon téléphone. C’est bien dangereux. Mais bon je suis une malienne.  Une vraie maintenant  avec certaines des  tares.
Je désapprouve fortement cette manie qu’on les parents d’élèves de se débarrasser de leurs enfants en leur achetant des motos. Les jeunes adolescents font  ce qu’on appelle le « malvie ». Ce mot désigne les figures acrobatiques et  des cascades en pleine rue, dans la circulation.  Ils ont une plaisir fou à griller les feux de signalisation aux risques de graves accidents. Mais je reconnais que ces petits chenapans maitrisent cet engin. C’est ainsi que tu verras d’à côté  lâcher son guidon pour se coucher sur sa selle ou encore je mettre tout simplement à plat-ventre et crier comme un damné s’il ne décide pas de faire rouler la moto juste sur la rue avant.  Ce n’est pas prudent, pas du tout, mais je ne peux m’empêcher d’être admirative quand j’assiste à ces numéros en rentrant de l’école.
Ensuite viennent les adolescentes. Elles n’essayent pas  de s’émanciper en faisant les mêmes cabriolets que les garçons mais elles sont folles de moto. Elles sont prêtes à tout pour avoir une moto.  Le garçon  vient draguer à intérêt à avoir une jolie Djakarta. Neuve de préférence. Quand  elle a la sienne, celle du copain est épargné sinon, les sorties ont un gout prononcé de ballade à moto, certaines mauvaises langues prétendent même que les djakartas font concurrence aux chambres de passe et aux hôtels. Je n’en sais rien !  De toutes manières les Djakartas et les hôtels sont tous chinois !
La Djakarta est intégrée à tenue vestimentaire de ces jeunes filles qui s’asseyent  la croupe surélevée alors que le pantalon à la taille basse dévoile une grande partie du patrimoine ( s’en est-il pas ?), les jambes serrées vers l’avant, les mèches  folles et longues au vent, de grandes glaces au bout du nez.  Elles utilisent la liberté que l’engin leur accorde à faire ce qu’elles aiment le plus : se promener avec les garçons, faire l’école buissonnière, aller à la plage. En cette période de canicule, ils se ruent sur les plages aux bords du fleuve Niger. Les multiples cas de noyade ne les découragent points.  Ils sont innocents et bien jeunes, responsables sont les parents qui leur ont offert  ce « cadeau empoisonné ». On m’a parlé de certaines audacieuses  qui ont leur numéro de téléphone tatoué juste sur une partie dévoilée. Mais  je n’ai jamais plus en rencontrer et me laisse aller au doute même si je les sais coquines.
Pour les femmes, que dis-je, les DAMES, la Djakarta  a été comme une manne bien qu’elle soit puissante avec ses 4 vitesses et son embrayage automatique. Elle a nous a libéré des sotramas. Plus besoin de rester une heure au soleil pour avoir un bus, à suer, ni à tacher leur Bazin riche tellement précieux !le sac à main, élégant aussi est accroché au guidon. La moto est toujours scintillante, proprement lavé, d’une couleur à la mode. Leurs motos sont toujours neuves et de la couleur à la mode.
 La djakartas est  arrangeante aussi pour les femmes travailleuses.  Cette fois-ci elle permet de gagner du temps et de l’argent !
 En effet, les prix des transports en commun ne font que grimper d’année en année. En plus , ces bus sont pratiquement insuffisants pour  Bamako. Le soir, c’est un véritable parcours du combattant qu’il faut faire pour rentrer et concorder avec le télénolas.   Plus tu es chargée, moins tu as de chance pour rentrer à la maison. Les marchandes ont toutes les peines du monde le petit soir au grand marché de Bamako.  En tout cas celle qui n’ont pas de moto car la Djakarta est si commode pour transporter les bagages et autres sacs de condiments
La Djakarta n’appartient donc pas à une seule classe de femmes. Toutes en ont quel que soit le travail qu’elles exercent, de l’enseignante à la vendeuse de friperie.
Il suffit de faire le tour de Bamako, à moto de préférence pour te rendre compte qu’ici c’est naturel pour une femme de conduire une moto. Tu les verras, les motos encombrées de toutes sortes de marchandises, parfois l’enfant bien attaché au dos, si elles ne transportent pas toutes sa petite famille (3 à 4 enfants)  tôt le matin ou le soir, après les cours. Mais en générale, elles ne roulent pas vite. Moi je dépasse rarement pour ne pas dire que je n’atteins jamais 60/km/h.  Moi aussi.
Après m’avoir dépassé sur le pont FAHD, David Kpelly me l’a fait remarquer, mais je fais tout pour éviter les hommes qui conduisent comme des fous et sans raison parfois c’est juste un chômeur qui a prêté la moto pour aller voir une fille qui te rentre dedans et te casse une dent (les prothèses dentaires sont moches et si chères !).
 « Qui va lentement, va surement » n’est pas maman, toi qui ne voulais même pas que j’utilise cet engin à Bamako parce qu’on t’avait dit que la circulation y était dangereuse et après les accidents de mes deux grands-frères ?
 C’est d’ailleurs l’occasion pour vous raconter la petite histoire de ma moto.
 Elle m’a été offerte par ma sœur cadette quand elle a conclu qu’elle ne pourrait jamais arriver à conduire à Bamako. Comprenez-la, elle est médecin. 
 Je n’ai commencé à la conduire qu’à Tombouctou où circulation est presque inexistante.
Baba Wangara qui est un collègue, mais aussi un très bon ami (nous nous appelons jumeau car nos teints foncés sont  proches. Certaines personnes y voient de la ressemblance quand ils ne nous prennent pas pour un couple. Ce n’est que pure amitié) m’a appris à la conduire en une semaine. Juste. J’ai commencé mon apprentissage un lundi soir, vers 17h, à  la dune Chirac (une grande dune situé près de la porte d’entrée de la ville,  qui a été baptisé à l’honneur de Chirac lorsqu’il vint en visite à Tombouctou).
Je portais mon maillot de l’Ajax (la première équipe que  j’ai supporté. J’étais fan de David entre parenthèse),  un pagne bien attaché et  un collant. Je ne suis pas tombé ce soir-là. J’eus du mal avec l’équilibre car je ne savais conduire qu’avec ma manette de PlayStation. Baba était assis derrière moi. Le mercredi, je partais seule avec la moto et essayais de suivre le circuit qu’il m’avait tracé. Je ne savais pas tourner.  Le vendredi soir après une belle chevauchée dans le sable, je connue ma première chute qui me value un grand trou dans mon collant et une grande assurance dans ma conduite.  J’ai compris pourquoi on tombe de la moto et comment. Et surtout quand tu tombes, lâche le poignet. Depuis je ne suis plus tombée. Je suis rentrée à la maison en conduisant fièrement ma Djakarta. Rendez-vous a été fixé au samedi matin à l’école.
-          « Tu peux partir à l’école avec maintenant » me dit mon maitre.
-          « mais je ne sais tourner que de ma gauche ! » lui dis-je
-          « Oui je sais mais on devient forgeron en forgeant, tu sauras tourner des deux cotés en circulant »
Depuis ce samedi matin, je ne sais plus de quel mois de l’année 2011 je suis rentrée dans l’association des Djakarteuses (pure création de ma part) de Tombouctou. Mais moi j’utilise ma moto pour aller à l’école contrairement à d’autres qui n’ont leur Djakarta que pour aller au marché et se pavaner. Cela ne me déplairait pas si j’étais une Djakarta, c’est une vie de rêve,  déjà que les hommes pensent que les motos des femmes sont des motos « à l’aise ».
Une vie tranquille… Tombouctou est une ville paisible. Pas besoin de porter une grande attention à sa moto comme à Bamako où on dérobe les motos  à la moindre occasion. Quand je rentrais du CFAB (Centre de Formation Ahamadou Badou, une école professionnelle) où je donnais des cours d’orthographe, je laissais ma moto devant notre maison jusque tard la nuit, quand  je m’apprête à dormir pour la faire rentrer et boucler la porte.
L’an 2012, mois de mars, un mercredi soir, vers 21h, je sortis pour aller chercher je ne sais plus quoi à la boutique au bout de la rue et catastrophe, Mon cœur bondit (je n’ai pas eu cette sensation depuis la proclamation des résultats du Bac au Lycée Korombé de Niamey) : ma moto n’était pas là.
Je crus devenir folle. Où est-elle ? Pourtant  j’ai condamné le guidon (le cou disons-nous) j’alarme mon cousin Alhousseini  Alhadj (lui aussi blogueur).
-          « Quand tu sortais, tu n’as pas remarqué son absence ? »
-          « Si mais je pensais que tu étais sortie »
Nous suivîmes les traces et demandâmes à une voisine qui avait sa porte ouverte et ne pouvait qu’avoir vu le voleur. Elle dit non alors que sa fille la contredit :
-          «  Ayegna, je t’ai dit que le jeune homme est en train de partir avec la moto de Titty, tu m’as dit ‘’a te igné sira la’’ ça ne te regarde pas. »
Je détestai  la femme qui était pourtant une bonne cliente de ma mère (elle vend des condiments).  J’appelai mon jumeau qui vint aussitôt puis parti à sa recherche en suivant les traces qui se perdirent dans le marché Yobou Tao, près de chez moi. « Fatouma, je vais foncer voir sur la route de Goundam.  Entre temps va faire une déclaration à la police ».
La Police ? Une autre histoire. J’y partis avec Alhouss sur sa moto. Il y avait une équipe de garde. Un officier (je crois hein) prit ma déclaration de perte  et me demanda de repasser le lendemain matin. Nous passâmes la nuit à chercher  et à diffuser la mauvaise nouvelle dans la ville.  Tombouctou est petit. Mais nous ne la retrouvâmes pas. Je n’ai pas dormi la nuit-là.  J’avais l’impression d’avoir perdu un être cher. Le lendemain je fis un crochet à la police pour voir s’il avait des nouvelles (sans réellement y croire). Rien. Pire le fameux officier de garde d’hier n’avait même pas parlé de notre déclaration à ceux qui sont venus le relever. Si c’est la police qui retrouvera cette moto, je croix que je peux me résigner et acheter une nouvelle.
Tout le monde me dit d’aller me confier à un certain marabout de Tombouctou ( je ne veux pas donner son nom sans son avis ). Plus question de cartésianisme  pour moi. J’y partis.  Il est au courant. La moto  n’est pas à Tombouctou. Mais elle sera retrouvée.
Vendredi, Samedi … les jours passaient et je ne retrouvais toujours pas ma moto. D’habitude quand une moto disparait à Tombouctou, ce sont justes des gamins qui « l’empruntent » au propriétaire un temps et ils l’abandonnent  une fois le carburant fini.
Dimanche, Lundi : après deux heures de français en 2ème année Généraliste, je partais au CVF (centre virtuel de Formation, c’est notre salle informatique, j’y assure des cours volontaires d’informatique) pour me connecter à internet un instant.   Grande amatrice de football, j’organise chaque année un tournois interclasse de mon nom. Les élèves vinrent m’informer que le professeur d’EPS , organisateur principal était à ma recherche. Je partais à sa rencontre quand il rentra.
-          «  Fatouma, je voulais te dire que quelqu’un m’a dit avoir vu ta moto à la sortie de Goundam vendredi » me dit-il d’une voix trainante.
Au lieu d’être contente, je devins furieuse.
-          «  Vendredi et aujourd’hui lundi, tu pouvais me rappeler ! »
-          « désolé, mais je n’avais pas ton téléphone »
-          « merci quand même ! »
J’appelais aussitôt Baba Wangara qui était à la banque pour l’informer de la nouvelle. Il  me donna de l’espoir. On va aller voir les réparateurs. Ils se connaissent tous dans la région. Avec l’indication-là nous pouvons l’avoir. « Si cette moto se trouve à Goundam, je te jure que je te le ramènerai. ».
Il teint parole car le mardi, je m’apprêtais à sortir quand il m’appela : «  ma jumelle, j’ai ta moto. Amène –moi les papiers et ne le dit à personne d’abord. je te le ramène demain  Inchallah».
Baba est extraordinaire.  J’en avais des larmes aux yeux. Il s’est tellement investit dans cette histoire de moto. Je me demande si mon propre frère de sang l’aurait fait. J’avais entretemps pris la moto de ma sœur cadette qui venait d’accoucher et m’en plaignait tous les jours car la comparant à ma moto qui était plus neuve.
24h plus tard, il était 14h47, je m’en rappelle comme si c’était hier le klaxon de ma moto retentit devant notre porte. Ce klaxon si fort qui la rendait particulière. Ma mère fut la première à la reconnaitre je crois car elle sortit avec moi. Nous deux, pieds nus et  Baba couvert de poussière rouge. La moto a bien changé dans son périple goundamien, mais c’est elle. Son cou est cassé. Les garde-fous n’y sont plus. Une vieille clé traine derrière. L’affiche d’un pouce levé y  a été collée.
Ma moto avait fait une semaine dans la nature avec un adolescent de Goundam qui me l’avait volé pour se promener dessus entre Goundam et Léré. Mais heureusement, il a un père responsable qui l’a amené à la gendarmerie avec la moto qu’il ne cessait de transformer
Une  autre semaine plus tard, les troupes de Touaregs fous entraient dans la ville des 333 saints pour y instaurer « une charia » (qui n’a rien à voir avec la vraie).
Quelle chance ! me dit-on. « Ta sœur n’a pas volé l’argent pour acheter cette moto »