Le premier a été l’infatigable Serge katembera, le citoyen du monde prêt à tout pour son pays : la République Démocratique du Congo. L’aventure continue et cette fois-ci je vous présente Boubacar Sangaré, l’étudiant malien. Un autre mondoblogueur ! Le plus calme de tous pourrais-je dire.
Boubacar Sangaré est étudiant en lettres modernes en année de licence à la FLASH (Faculté de Lettres, Langues, Art et sciences Humaines de Bamako), il est aussi journaliste et blogueur. Un autre citoyen du monde, soucieux pour son pays, animé d’un patriotisme bien rare chez les jeunes maliens de nos jours, aussi.
Boubacar Sangaré est un jeune peulh, originaire de la région de Mopti. Musulman, son nom fait certainement penser à Oumou Sangaré, la diva du Wassolo. Bouba (c’est ainsi que je l’appelle) est aussi engagé qu’elle mais lui se sert de son extraordinaire plume pour exprimer toute sa hargne, son envie, ses déceptions, son scepticisme parfois quand ce n’est pas de l’espoir pour son pays et son continent.
Son jeune âge, 22 ans, n’en fait pas un novice, mais au contraire, je vous souhaite juste de le rencontrer pour vous rendre compte qu’il n’est pas grand que de taille. Il en a beaucoup étonné par sa maturité précoce et son expression quelque peu tranchante quand il parle politique « La paix ! La paix ! La paix : elle est et a toujours été au Mali. Elle est juste sous nos pieds, enfouie dans l’inconscience et la bêtise des hommes dont les comportements amoraux ont conduit ce pays dans la marée enlisante des incertitudes » et si douce quand il évoque ses états d’âme, il écrivait notamment à Dakar d’un ton presque poétique, teinté d’un humour filtré « Bientôt, tous ces sourires qui rayonnaient des visages si beaux ne seront qu’un point noir. Des sourires légendaires. Bientôt, nous allons tourner le dos à Dakar. Dakar et son froid. Dakar et ses belles filles qui jouent les « Leuk-le-lièvre »...Dakar et ses chauffeurs de Taxi qui feraient mieux de rouler avec une carte de la ville avec eux...». Quelle contraste, direz-vous !
Mais ce Bouba m’a impressionné le premier jour que je l’ai rencontré et je l’ai immédiatement adopté comme le frère que j’ai perdu (d’ailleurs, il s’appelait Boubacar aussi). C’était au centre culturel français du Mali, en préparatif de notre voyage sur Dakar. Il a suffi d’une seconde pour sympathiser et commencer à blaguer (j’ai failli écrire blogueur, nous aimons tellement cela). A la fin de la conversation nous voilà en train de rentrer ensemble à la maison, sur ma moto. Depuis j’ai eu un chauffeur de moto attitré qui ne me dit jamais non quand j’ai besoin de lui pour échapper à la circulation monstre de Bamako.
L’étudiant malien ! Est-ce sa grande taille qui m’a plu ? Ou son sac à dos de couleur orange qui doit peser une tonne car rempli de livres ? Oui, mais il y a autre chose en plus…sa culture et sa gentillesse sans commune mesure. Il ne m’a jamais dit non, lui arrive-t-il de dire non ? Ce garçon est fort étonnant.
Son blog, qui lui valut d’être sélectionné parmi les 20 meilleurs blogueurs de la saison 2 de Mondoblog et lui permit d’être de la formation de Dakar durant le mois d’Avril, est son podium.
Le contenu cadre bien avec le personnage. Vous verrez, Bouba dénonce le système éducatif malien qui ne fait que se nécroser d’année en année, « qu’on se le dise, l’étudiant malien n’est pas ce qu’on pense » dit-il presque à pleins poumons, comme un cri sorti de ses entrailles. Les bourses si nécessaires mettent plus de 5mois avant d’être perçues, des professeurs qui perçoivent impunément des sommes pour faire passer les plus riches, organisent des cours privés à l’approche des examens qui ne disent pas leurs noms…etc.
Il n’hésite pas à parler de la puissante Association de Elèves et Etudiants du Mali (AEEM) qui fait sortir des milliers de militants incrédules dans les rues pour participer au jeu politique, des syndicats des enseignants qui décrètent des grèves irraisonnées si ce n’est une rétention des notes. Pauvre étudiant malien !
Journaliste dès sa terminale, Boubacar n’est pas particulièrement tendre avec les journalistes maliens qu’il accuse d’avoir dénaturée la profession en devenant des mercenaires de l’info, juste par souci de per diem quand on sait que c’est un métier qui ne nourrit pas son homme au Mali « c’est grimper à l’arbre de la naïveté que d’espérer vivre du métier de journaliste »
Il n’est pas particulièrement tendre avec la télévision nationale ORTM (comme moi d’ailleurs) qu’il clash dans un article récent. N’importe qui est journaliste au Mali.
Il collabore avec plusieurs publications maliennes notamment les journaux « le flambeau », « la nouvelle patrie », « le pays », ainsi que le site internet Arawanepress.com.
Boubacar est un passionné du monde arabe, dont il discuterait pendant des heures, sans se lasser. Son (pas lui-seul, mais notre) amie Limoune (une autre mondoblogueuse que je vous ferais bien connaitre si elle y consent) en a fait l’expérience. Bien étonnée de voir un jeune malien parler si aisément de la révolution tunisienne, d’Ennahda, de la Tunisie du temps de Ben Ali. Et pas seulement de la Tunisie, Boubacar s’intéresse à tout le Maghreb, s’attachant même à ses écrivains qu’il affectionne particulièrement.
Mais n’allez pas croire qu’il en rejette l’Afrique noir, son livre préféré est « l’étrange destin de Wangrin » de Hampaté Ba, il en tire son humilité et son élégance qui « consiste à ne jamais dire de bien de soi, à ne jamais se vanter de ses bienfaits et au contraire à se rabaisser, a s’attribuer les pires défauts ». Ainsi, il se décrirait comme un timide (encore un) maladif, renfermé, qui n’a jamais dansé, d’ailleurs il n’a jamais mis pieds dans une boite de nuit (oui, c’est possible). Il aime la lecture, la musique, les jeux vidéo, le football. C’est un grand supporter du Réal Madrid (notre point de discorde) qui chatte peu et tweete encore moins.
L’interview aidera certainement à mieux le cerner :
1. Présente-toi parle nous de toi, tes études, tes distractions, tes hobbies
Je réponds au nom de Boubacar Sangaré. Je suis journaliste-blogueur, et Etudiant en Lettres modernes à la Faculté des Lettres, Langues et des Sciences du Langage de Bamako. J’aime l’écriture, la lecture. Et, jeunesse oblige, je joue au football.
2. Peux- tu nous parler de ton cursus scolaire
Mon père m’a inscrit à l’école privée ‘’Avenir’’ de kalaban-coro, un matin de l’année 1998. J’y ai obtenu le Certificat d’Etudes Primaires (C.E.P) en 2004 et le Diplôme d’Etudes Fondamentales (D.EF) en 2007. Ensuite, je suis entré au Lycée Tamba Doumbia de Kalaban-coro où j’ai obtenu le baccalauréat en 2010 avec la mention Assez-bien (13,35), ce qui a été une déception pour mes enseignants, mes parents et moi aussi. J’étais un élève brillant. Cette déception s’est accentuée surtout lorsque ma demande de bourses pour aller étudier à l’extérieur, notamment dans un pays du Maghreb, a subi un échec. Je voulais partir, fuir ce système voulu et planifié par les plus hautes autorités pour ‘’formater’’ des savants. Mais, je suis toujours là, en train de lutter contre le système. Quand je me souviens de cette période, la colère m’obscurcit les yeux. C’est l’un des moments de ma vie dont je n’aime pas me souvenir…
- 3. Tu es aussi journaliste quel ton avis sur ce métier au Mali
- 4. Quelle est ton analyse sur la situation sociopolitique du Mali
5. Et cette date impérative du 28 juillet pour les élections présidentielles?
Il est n’est plus besoin, à mon sens, de perdre son temps à rappeler qu’il sera difficile de respecter cette date imposée aux autorités maliennes de transition par la communauté internationale, et surtout la France. Témoin la mise en garde du président français M. Hollande qui a déclaré qu’ « ils » seront intraitables sur le respect de cette date. Preuve aussi que le Mali n’a pas le choix, n’a aucune autonomie de décision et donc est obligé de se laisser téléguider comme on conduit un bœuf de labour au champ. Sinon il est clair que les difficultés évoquées par le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (ceni) ne sont pas anodines : retard pris dans la production, donc dans la distribution des cartes, la situation à Kidal, le cas des personnes déplacées… Mais ce qui est déroutant dans l’affaire, c’est que le président de la ceni est le seul à faire cas de ces difficultés !
- 6. Ton pronostic?
- 7. Je te sais maghrebophile, peut-on connaitre ton analyse du printemps arabe
- 8. l’islam fondamentaliste est-il une menace pour les pays qui ont connu le printemps arabe?
- 9. Et le cas de la Syrie?
- 10. Parle-nous de tes auteurs arabes préférés
11. Ces auteurs sont-ils engagés?
Oui, ils le sont. Concernant Akram Belkaïd que je connais le mieux, il suffit de lire son essai « Un regard calme sur l’Algérie » pour saisir le degré de son engagement. Ils y dénoncent des phénomènes comme la corruption, le népotisme, le piston…, s’attaque à des personnalités politiques, des militaires, à la colonisation…
12. Quels sont tes mentors?
Il y a un oncle journaliste Amadou Sidibé qui travaille au quotidien « Les ECHOS » où j’ai aussi écrit à un moment donné, et ma mère aussi à qui je dois tout. Mais le plus important est Akram Belkaïd que je prends pour modèle et qui sait bien me conseiller aussi. Même si nous sommes l’un aux antipodes de l’autre : lui vit à Paris et moi à Bamako.
13. As-tu un message à passer la jeunesse africaine?
Le seul message que j’ai à adresser à la jeunesse africaine, c’est de se battre, lutter pour prendre sa revanche sur le sort injuste que l’histoire lui a fait.
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