samedi 24 août 2013

A vol d'oiseau vers Mamady Keita

Après les portraits de Serge Katembera et de Boubacar Sangaré, ma série de portraits de Mondoblogueurs continue.
Mamady Keita 
Je vous présente aujourd’hui un autre jeune du continent, autant prometteur. Une autre vie, une autre réalité, un autre combattant et un espoir pour son pays et notre continent : Mamady Keita,  le jeune étudiant guinéen perdu dans le climat plein de contraste de l’Ukraine.
La phase du Liebster Blog Award a bien permis de se faire une idée sur les  personnalités des mondoblogueurs qui ont accepté de se plier au jeu ( tant qu’ils n’ont pas essayé de jouer au malin !). Ce n’est pas pour me jeter des fleurs (au risque de me casser la caboche), mais je pense que ces portraits n’ont rien à voir. Ce n’est pas de l’introspection nombriliste, ni une exposition du meilleur profil de soi. En tout cas à mon humble avis !
Mamady Keita. KEITA  est un nom bien prestigieux au pays mandingue, les  Djelis ne lassent pas de chanter le nom de Simbo. Celui des  descendants de Soundiata Keita, grand roi qui fonda l’empire du Mali, le grand chasseur, le grand sorcier. L’homme généreux qui marcha après son septième hivernage et vengea les injustices faites à sa mère Sogolon.
« Naré Magan Diata. Sogosogo Simbo Salaba… héros aux noms multiples » dixit les griots. Je ne suis pas griotte mais je me plais à vous parler de celui qui m’a toujours appelé grande sœur. Un garçon sérieux  qui a facilement des fou-rires, propriétaire d’un petit calepin qui en a aiguisé des curiosités (coucou Madame caraïbe de Mondoblog) dans lequel il note absolument tout.
C’est un garçon bien grand au regard empli de malice avec une petite touche de tristesse dû à la solitude de l’Ukraine (certainement). Il a 22 ans et étudie les mines  dans cette ville lointaine d’Ukraine  dont je prononcerai difficilement le nom (heureusement que c’est un portrait écrit !) , Dnipropetrovsk. Encore un autre citoyen du monde! Atypique ! D’où mon intérêt pour lui. Son blog  est une sorte de jardin secret qu’il cultive avec amour et évoque les sujets qui lui tiennent à cœur. Ses sujets de prédilections sont relatifs à sa Guinée natale et à l’Ukraine qui n’est pas aussi accueillante, mais il évoque également des choses beaucoup plus gaies comme le football (c’est un grand supporter de Barcelone FC j’en suis bien contente, pour une fois que j’en rencontre parmi les Mondoblogueurs !), de journées culturelles dans son université, de ses voyages, de ses rencontres.
Mamady est de confession musulmane, d’ailleurs son vœu le plus cher est de faire faire le voyage à la Mecque à des deux parents. La consommation de l’alcool est banni chez le musulman et Mamady fait de son mieux pour échapper à  la tentation, étudierait-il au Cameroun, il aurait senti le même dépaysement (suivez mon regard…) sur ce plan. A cela il faudra ajouter le racisme qui fait de ces jeunes africains des cibles pour les groupes xénophobes du coin. Mais heureusement, « les africains sont bien plus forts  et ne se promènent jamais seuls », sans chercher à être raciste hein !
Je pourrais aussi citer les problèmes liés à l’alimentation, au climat, aux langues, aux finances, au ramadan….
Vous devez le soupçonner et c’est une réalité, mais la vie d’un étudiant africain, noir, musulman est difficile, pleine de contraintes et de privations.  Mais l’espoir de revenir servir son pays et participer au développement de ce dernier aide beaucoup Mamady à relever le défi et à rester fidèle aux traditions dans lesquels il a été élevé, gardant son amour pour sa famille, sa culture, la cuisine, la musique, sa patrie (je ne voudrai pas citer les délestages si fréquents à Conakry) intacts. Il est plein d’espoir pour son pays, sa citation préférée est  « à cœur vaillant on peut déplacer des montagnes. C’est en quelque sorte mon crédo de tous les jours. J’espère une fois mes études terminées pouvoir faire bouger ou aider à changer les choses ne serait-ce que dans mon quartier, ma ville, et pourquoi pas dans mon pays. »
La vie de Mamady est aussi teintée de solitude. Une solitude que Mamady essaye de noyer (pas dans l’alcool vous le savez déjà !) dans le cinéma, l’écoute de la musique, le sport, la lecture et le blogging.  Qui pourra croire que cet étudiant en mines, donc matheux, a toujours rêvé de devenir journaliste ? Que son premier métier était celui de reporter ?  Personne.   Il s’est apprêté à mon questionnaire avec gentillesse.
1.     Présente-toi
Bonjour, je suis Mamady Keita je suis étudiant à l’Université Nationale des Mines de Dnipropetrovsk c’est au centre de l’Ukraine. Cependant je tiens aussi un blog sur la plateforme Mondoblog de l’Atelier des Médias. Mon blog s’appelle A vol d’ oiseau et je l’alimente souvent après mes cours ; pendant mes heures creuses, car écrire à toujours été ma première grande passion.
2.     Tu es étudiant en Ukraine, peux-tu nous parler de ce pays ?
L’Ukraine est un jeune pays d’Europe de  l’Est car il n’est indépendant que depuis 1989. C’est le pays des extrêmes. Tenez par exemple, lorsqu’on prend le climat en hiver, il fait très très froid et en été la chaleur est caniculaire. Les températures vont parfois en dessus de 40 degrés en été et en hiver ils avoisinent parfois les moins 30 degrés. Le pays compte beaucoup d’immeubles modernes mais aussi assez d’infrastructures qui ont plus de cent ans. Tous les jours on vit de nouvelles expériences on fait de nouvelles rencontres on découvre de nouvelles choses, on affronte de nouveaux obstacles. Mais à force de n’avoir pas toujours le choix on finit par s’y habituer.
3.    Quels sont les difficultés que tu y rencontres ?
Elles sont nombreuses les difficultés. Elles sont principalement liées aux différences de cultures avec mon pays natal la Guinée, mais aussi de langues ou au cout de la vie qui est vraiment cher surtout il y a très peu de boulot étudiant. On parvient à tenir surtout grâce à l’aide de nos parents.
4. L’Afrique y est-il présent ?
A part quelques étudiants et des expatriés en quête d’une vie meilleure, l’Afrique n’est pas du tout présente ici. Il faut dire que l’Ukraine et l’Afrique coopèrent essentiellement dans les domaines commerciales et de l’éducation.

  5. Etes-vous bien intégré en Ukraine ?
A mon avis le plus important en matière d’intégration c’est d’être respectueux envers les lois du pays d’accueil mais aussi être surtout respectable. Pour le reste, c’est la routine. La vie hors du pays natal exige toujours beaucoup de sacrifice sur tous les plans (alimentaires, culturelles…), mais il faut l’accepter et considérer que c’est pour un temps bien déterminé. Ensuite tout redeviendra normal une fois de retour au pays natal.
6.   Quels sont les problèmes que vous y rencontrez ?
Les problèmes ils sont nombreux car contrairement à ce que l’on peut imaginer lorsque l’on se trouve en Afrique par exemple la vie est très dure ici. Il n’y a pas de travail et même quand on se démerde pour en trouver c’est souvent très mal rémunéré. Malgré que les problèmes de racisme ont considérablement diminué, il y a encore des amis qui en sont victimes, ils subissent des injustices, se font tabasser ou injurier. Mais face à tous ces problèmes nous avons formé plusieurs associations qui défendent nos intérêts parfois mieux que les consulats et les ambassades souvent immobiles.
7.    Quel est ton lien avec ton pays d’origine la Guinée ?
Malgré que je sois à des milliers de kilomètres de mon pays natal, je pense à la Guinée tous les jours. Je suis l’actualité socio politique, économique et culturelle de très près. Je pense aussi tous les jours à mes parents, mes frères et sœurs bref à toute la grande famille mais aussi les amis. S’ils lisent cette interview j’aimerai qu’ils sachent tous que malgré que je suis très loin d’eux je les aime du plus profond de mon cœur.
8. Comptes-tu y retourner aussitôt les études terminées ?
A la fin de mes études je crois que je rentrerais très vite en Guinée car je crois qu’on a plus besoin de moi là-bas que n’importe où ailleurs. Je rentrerais pour apporter mon grain de sel, ma modeste contribution à la construction et le développement de mon pays. C’est la chose qui me tient le plus à cœur. Peu importe à quel niveau ce sera, je répondrais présent comme j’ai vu toujours le faire mon père. Ceci est un choix dont je serai toujours prêt à assumer les conséquences au cas où il y en aura.
9. Peux-tu nous faire une analyse de la situation politique actuelle de la guinée ?
Malgré que les militaires ont rendu le pouvoir aux civils à travers une élection présidentielle qui a porté au pouvoir l’actuel président de la république le professeur Alpha Condé, la Guinée peine toujours à organiser des élections législatives censées définitivement mettre fin à la transition politique crée par le coup d’état du Capitaine Moussa Dadis Camara en décembre 2008. Et pour cause le pouvoir et l’opposition guinéenne mettent leurs intérêts partisans au-dessus de tout, cela parfois au détriment de la stabilité. Cependant l’accord qui vient d’être signé le 3 juillet dernier entre les deux parties ouvre à mon avis une lueur d’espoir. Cependant cet espoir ne m’empêche pas d’être prudent car le plus dure reste à venir, je pense à la phase d’application de cet accord qui a trop longtemps été attendu. J’espère que la classe politique fera vraiment preuve de responsabilité en appliquant cet accord qui permettra à la Guinée d’en finir avec cette transition qui n’a que trop durer. Cela permettra aussi le retour en masse des investisseurs pour que la Guinée connaisse enfin le développement cela près de 55 ans après son indépendance.
10.   Les jeunes africains peuvent-ils croire en un avenir meilleur ?
Les jeunes africains ne doivent pas s’assoir et attendre les opportunités venir à eux mais ils doivent aller chercher et retrouver ces opportunités partout où elles se cachent. Ce que je suis en train de vous dire est loin d’être un vain discours, j’y crois et je l’ai vécu. Tenez par exemple il y a un peu plus de 3 ans j’étais à Conakry. C’était les vacances donc je passais mes journées entières à la maison en compagnie des autres jeunes parfois plus âgés que moi dans le quartier autour des tasses d’Attaya (thé).Un jour je me suis levé et je suis allé voir le directeur de publication du Groupe de presse l’indépendant-le Démocrate, je lui ai expliqué qu’écrire, témoigner était ma passion. Il m’a répondu que ça ne suffisait pas pour travailler dans un grand journal comme le sien. Je l’ai supplié de me donner juste une semaine pour le prouver que je pouvais être à la hauteur de sa confiance. Il m’a donné une chance et au bout de deux semaines je produisais tellement qu’il m’a proposé un contrat. Pendant ce temps mes amis parfois des diplômés en journalisme, en lettres modernes continuaient à préparer leur attaya sous l’arbre à Palabre tout en se plaignant du manque de boulot. Je ne gagnais pas des millions avec mon petit travail de jeune reporter, mais au moins ça me permettait de ne plus demander le petit déjeuner à Papa et à Maman etc...Je crois que le temps est venu que les jeunes africains croient en eux-mêmes. Il faut aller vers l’état et les entreprises car les cinquante dernières années nous ont prouvés qu’ils (l’état et les entreprises) ne viendront jamais nous chercher sur nos lits pour nous proposer du travail bien rémunéré. Je dirai pour finir qu’il faut aussi que nous pensons à être deux fois plus compétents que la normale et cela passe par la formation, la lecture etc...
11.   Quels sont tes loisirs ?
J’aime beaucoup jouer et regarder des matchs de football. Je passe aussi beaucoup de temps à regarder des films ou écouter de la musique. Parfois je vais me promener sur les bords du Dniepr le fleuve qui a donné son nom à la ville où j’habite actuellement en Ukraine : Dnipropetrovsk.

Crédit Photo: Faty
Crédit Photo: Faty

lundi 15 juillet 2013

ça bouge encore à Bamako

Aujourd’hui 15 juillet 2013, je me suis réveillée bien tôt ; c’est à en croire que je n’étais pas sur pieds dès 4h45h du matin pour le repas prémices du jeun musulman. En plus, j’ai dû regarder une bonne trentaine de minutes pour pouvoir faire la première prière réglementaire avant de me coucher. Bon, « toute femme africaine doit se lever tôt » disent les bambaras. Ont-ils raison ?
Aujourd’hui je passe mon dernier jour à Bamako. J’ai tout mis sur pieds pour mon voyage à Gao. Le billet du car a été acheté il y a une semaine. Les valises sont prêtes. Il me reste plus qu’à retirer mes derniers sous de la banque pour ne pas partir les mains vides car je n’ai pas lésiné sur les dépenses.
Donc j’étais devant la banque avant l’ouverture, en partant déjà j’avais remarqué cette affluence des étudiants devant l’ENSUP, juste à la descente du pont Fahd. Cela m’avait un peu intriguée car je savais que les professeurs de l’enseignement supérieur avaient déclenché une grève illimitée pour revendications auxquels je ne m’intéresse plus. C’est ainsi depuis que j’étais étudiante j’ai connu deux années blanches dans mon cursus scolaire « grâce » à ces professeurs du Niger au Mali.
Etant l’une des premières dans la banque, j’ai pu effectuer l’opération de retrait bien vite et reprendre le chemin du retour, déjà que je ciel menace !
Arrivé au niveau du ministère des finances et de l’économie, les premiers signes d’un mouvement estudiantin me parvinrent : les voitures partant par là-bas bougeaient lentement.
Quelques mètres au ralenti me permirent de comprendre. Une marche des étudiants contre la violence policière.  Les pancartes en attestaient. Les voix aussi. Une voix fine de femme qui tranchait des autres me fit sourire : ça me plait, des femmes en action.
Credit Photo: faty
Credit Photo: faty
C’est l’occasion rêvée pour mettre en action la partie de la formation qui porte sur le blogueur en situation. Mais c’est bien difficile de conduire une moto et de prendre une photo avec mon wiko en plus. Je risque de le voir se fracasser contre le bitume.  Pas la peine. Je décide d’avancer. Une marche en deux parties. Les motos cyclistes devant les piétons. Les policiers anti-émeute qui ont l’habitude de les escorter ne sont pas là ! Est –ce parce que les pancartes dénoncent la violence policière ? Hum…. Ça va chauffer.
La dernière fois, c’était juste la semaine dernière des troupes de policiers « fous » (c’est le seul qualificatif que j’ai pu leur trouver)  c’étaient pris à des étudiants qui faisaient un sitting contre la grève des professeurs qui nuit à leur avenir. Des  étudiants frappés, bastonnés jusqu’au sang. J’ai entendu parler de deux morts. Leurs motos qui étaient au parking ont été cassées et brulées, des bâtiments de l’université mêmes ont été saccagés  par…cette furia policière. C’est à ne rien comprendre, quand tu regardes la télévision nationale : pas un mot. C’est à en croire que nous ne sommes pas sur les terres : le Mali.
Pour monter sur le pont, il faut prendre une petite aile qui tourne vers le fond de la nouvelle cité ministérielle qui porte le nom significatif de Malybia. Et là, que vois-je ? Un véritable bataillon de policier qui semble être commandés par une femme.  Matraques et lanceurs de bombes lacrymogènes à point. Surement prêts à foncer sur les étudiants. La rage me prend contre le pouvoir. Et on targe à dire que le Mali est une démocratie ? L’envie d’écrire une autre lettre au président par intérim Dioncounda Traoré me prit. «  Ça ne sert à rien, me dis-je aussitôt, il ne la lira pas. C’est une Autriche. Tous les maliens sont des autruches. » Ils ne voient que ce qui les arrangent.
J’accélère sur mon allure pour arriver vite à la maison et écrire cet article. Ces militaires, ces policiers nous emmerdent. Je suis presque fâchée.
Crédit Photo: Faty
Crédit Photo: Faty
Mais ma surprise est encore plus grande lorsque j’arrivai au milieu du pont qui semble avoir un problème. Un accident grave sur le pont ? Non les voitures sont ralenties par quelque chose.  Je me faufile rapidement avec ma  moto entre les voitures et là surprise : ce sont d’autres étudiants (quittant certainement la colline du Savoir de Badalabougou) qui sont sur le pont. Ils sont encadrés par une trentaine de policiers anti-émeute qui ne leur empêche pas de progresser (heureusement). J’ai envie de jeter ma moto ou de la garer.  Pas moyen. Je m’arrête un court instant pour prendre quelques photos. Une voiture derrière moi klaxonne fortement derrière moi. C’est certainement un taxi qui s’énerve contre moi. Je me retourne. Oui ! J’ai bien deviné. Je jette mon wiko dans mon sac accroché au guidon de ma moto et avançai rapidement.
La montée du pont est complètement bloquée par cette marche.
Crédit Photo: faty
Crédit Photo: faty
IMG_20130715_0909559h est l’heure où les maliens partent au travail. Beaucoup de voitures. Que de motos. Certains, empressés s’énervent d’autres discutent derrière les vitres. Je suis sure que beaucoup adhèrent aux idées des étudiants. Mais que faire ? Aucun malien n’est prêt à faire quelque chose pour que les choses changent. Un véritable peuple de béni oui-oui.  Personne pour dénoncer quelque chose !
Je dépasse deux grandes pancartes des candidats à la présidentielle. Les mêmes promesses. Les mêmes mensonges. Une première promets la réalisation de 500.000 projets de femmes en posant avec des vieilles femmes certainement des rurales (il a dû leur donne juste quelques sacs de céréales) je secoue la tête et tourne.
Une centaine de mètre plus loin, un autre candidat, d’autres promesses, cette fois-ci la pose est faite avec des enfants.
Crédit Photo: Faty
Crédit Photo: Faty
Pauvre Mali !


dimanche 7 juillet 2013

Boubacar Sangaré, l"étudiant malien

Certains seront tentés de se poser une question sur la motivation de tels portraits de ma part. Qui sont ces jeunes gens (ils penseront inconnus) que j’expose, (les plus méchants penseront au verbe flatter) ainsi ? Ils représentent tous simplement mon espoir pour l’Afrique. Un avenir constructible, une lueur qui deviendra lumière et éclairera le chemin de notre continent. Je crois en eux, en la jeunesse Afrique …pourquoi pas vous ?
Bouba DakarLe premier a été l’infatigable Serge katembera, le citoyen du monde prêt à tout pour son pays : la République Démocratique du Congo. L’aventure continue et cette fois-ci je vous présente Boubacar Sangaré, l’étudiant malien. Un autre mondoblogueur ! Le plus calme de tous pourrais-je dire.
Boubacar Sangaré est étudiant en lettres modernes en année de licence à la FLASH (Faculté de Lettres, Langues, Art et sciences Humaines de Bamako), il est aussi journaliste et blogueur. Un autre citoyen du monde, soucieux pour son pays, animé d’un patriotisme bien rare chez les jeunes maliens de nos jours, aussi.
Boubacar Sangaré est un jeune peulh, originaire de la région de Mopti. Musulman, son nom fait certainement penser à Oumou Sangaré, la diva du Wassolo. Bouba (c’est ainsi que je l’appelle) est aussi engagé qu’elle mais lui se sert de son extraordinaire plume pour exprimer toute sa hargne, son envie, ses déceptions, son scepticisme parfois quand ce n’est pas de l’espoir pour son pays et son continent.
Son jeune âge, 22 ans, n’en fait pas un novice, mais au contraire, je vous souhaite juste de le rencontrer pour vous rendre compte qu’il n’est pas grand que de taille. Il en a beaucoup étonné par sa maturité précoce et son expression quelque peu tranchante quand il parle politique « La paix ! La paix ! La paix : elle est et a toujours été au Mali. Elle est juste sous nos pieds, enfouie dans l’inconscience et la bêtise des hommes dont les comportements amoraux ont conduit ce pays dans la marée enlisante des incertitudes » et si douce quand il évoque ses états d’âme, il écrivait notamment à Dakar d’un ton presque poétique, teinté d’un humour filtré « Bientôt, tous ces sourires qui rayonnaient des visages si beaux ne seront qu’un point noir. Des sourires légendaires. Bientôt, nous allons tourner le dos à Dakar. Dakar et son froid. Dakar et ses belles filles qui jouent les « Leuk-le-lièvre »...Dakar et ses chauffeurs de Taxi qui feraient mieux de rouler avec une carte de la ville avec eux...». Quelle contraste, direz-vous !
Mais ce Bouba m’a impressionné le premier jour que je l’ai rencontré et je l’ai immédiatement adopté comme le frère que j’ai perdu (d’ailleurs, il s’appelait Boubacar aussi). C’était au centre culturel français du Mali, en préparatif de notre voyage sur Dakar. Il a suffi d’une seconde pour sympathiser et commencer à blaguer (j’ai failli écrire blogueur, nous aimons tellement cela). A la fin de la conversation nous voilà en train de rentrer ensemble à la maison, sur ma moto. Depuis j’ai eu un chauffeur de moto attitré qui ne me dit jamais non quand j’ai besoin de lui pour échapper à la circulation monstre de Bamako.
L’étudiant malien ! Est-ce sa grande taille qui m’a plu ? Ou son sac à dos de couleur orange qui doit peser une tonne car rempli de livres ? Oui, mais il y a autre chose en plus…sa culture et sa gentillesse sans commune mesure. Il ne m’a jamais dit non, lui arrive-t-il de dire non ? Ce garçon est fort étonnant.
Son blog, qui lui valut d’être sélectionné parmi les 20 meilleurs blogueurs de la saison 2 de Mondoblog et lui permit d’être de la formation de Dakar durant le mois d’Avril, est son podium.
Le contenu cadre bien avec le personnage. Vous verrez, Bouba dénonce le système éducatif malien qui ne fait que se nécroser d’année en année, « qu’on se le dise, l’étudiant malien n’est pas ce qu’on pense » dit-il presque à pleins poumons, comme un cri sorti de ses entrailles. Les bourses si nécessaires mettent plus de 5mois  avant d’être perçues, des professeurs qui perçoivent impunément des sommes pour faire passer les plus riches, organisent des cours privés à l’approche des examens qui ne disent pas leurs noms…etc.
Il n’hésite pas à parler de la puissante Association de Elèves et Etudiants du Mali (AEEM) qui fait sortir des milliers de militants incrédules dans les rues pour participer au jeu politique, des syndicats des enseignants qui décrètent des grèves irraisonnées si ce n’est une rétention des notes. Pauvre étudiant malien !
Journaliste dès sa terminale, Boubacar n’est pas particulièrement tendre avec les journalistes maliens qu’il accuse d’avoir dénaturée la profession en devenant des mercenaires de l’info, juste par souci de per diem quand on sait que c’est un métier qui ne nourrit pas son homme  au Mali « c’est grimper à l’arbre de la naïveté  que d’espérer vivre du métier de journaliste »
Il n’est pas particulièrement tendre avec la télévision nationale ORTM  (comme moi d’ailleurs) qu’il clash dans un article récent. N’importe qui est journaliste au Mali.
Il collabore avec plusieurs publications maliennes notamment les journaux « le flambeau », «  la nouvelle patrie »,  « le pays », ainsi que le site internet Arawanepress.com.
Boubacar est un passionné du monde arabe, dont il discuterait pendant des heures, sans se lasser. Son (pas lui-seul, mais notre) amie Limoune (une autre mondoblogueuse que je vous ferais bien connaitre si elle y consent) en a fait l’expérience.  Bien étonnée de voir un jeune malien parler si aisément de la révolution tunisienne, d’Ennahda, de la Tunisie du temps de Ben Ali. Et pas seulement de la Tunisie, Boubacar s’intéresse à tout le Maghreb, s’attachant même à ses écrivains qu’il affectionne particulièrement.
Mais n’allez pas croire qu’il en rejette l’Afrique noir, son livre  préféré est « l’étrange destin de Wangrin » de Hampaté Ba, il en tire son humilité et son élégance qui « consiste à ne jamais dire de bien de soi, à ne jamais se vanter de ses bienfaits et au contraire à  se rabaisser, a s’attribuer les pires défauts ». Ainsi, il se décrirait comme un timide (encore un) maladif, renfermé, qui n’a jamais dansé, d’ailleurs il n’a jamais mis pieds dans une boite de nuit (oui, c’est possible). Il aime la lecture, la musique, les jeux vidéo, le football. C’est un grand supporter du Réal Madrid (notre point de discorde) qui chatte peu et tweete encore moins.
L’interview aidera certainement à mieux  le cerner :
1.      Présente-toi parle nous de toi, tes études, tes distractions, tes hobbies
Je réponds au nom de Boubacar Sangaré. Je suis journaliste-blogueur, et Etudiant en Lettres modernes à la Faculté des Lettres, Langues et des Sciences du Langage de Bamako. J’aime l’écriture, la lecture. Et, jeunesse oblige, je joue au football.
2.      Peux- tu nous parler de ton cursus scolaire
Mon père m’a inscrit à l’école privée ‘’Avenir’’ de kalaban-coro, un matin de l’année 1998. J’y ai obtenu le  Certificat d’Etudes Primaires (C.E.P) en 2004 et le Diplôme d’Etudes Fondamentales (D.EF) en 2007. Ensuite, je suis entré au Lycée Tamba Doumbia de Kalaban-coro où j’ai obtenu le baccalauréat en 2010 avec la mention Assez-bien (13,35), ce qui a été une déception pour mes enseignants, mes parents et moi aussi. J’étais un élève brillant. Cette déception s’est accentuée surtout lorsque ma demande de bourses pour aller étudier à l’extérieur, notamment dans un pays du Maghreb, a subi un échec. Je voulais partir, fuir ce système voulu et planifié par les plus hautes autorités pour ‘’formater’’ des savants. Mais, je suis toujours là, en train de lutter contre le système. Quand je me souviens de cette période, la colère m’obscurcit les yeux. C’est l’un des moments de ma vie dont je n’aime pas me souvenir…
  1. 3.      Tu es aussi journaliste quel ton avis sur ce métier au Mali
Pour qui connait le quotidien de la presse au Mali, il n’est pas besoin de longues démonstrations pour dire qu’il est extrêmement difficile de vivre de ce métier. Et, dernièrement, j’ai écrit un billet qui touche à ce sujet. En effet, au nombre de cette montagne de gazettes au Mali, rares sont ceux qui payent leurs journalistes ; le plus souvent seuls 3 à 4 journalistes sont salariés et les autres vivent dans la débrouille…malgré qu’ils fournissent régulièrement des papiers. La conséquence est qu’ils vont se retrouver dans l’obligation de faire tous les jours une chasse à l’argent, et cela souvent au mépris de toute déontologie. Pour faire court, je dirais que c’est un métier qui n’a pas la considération requise ; le journaliste est devenu celui qu’on poursuit de sa haine même s’il dit la vérité, qu’on accable d’insultes et qu’on accuse à tout bout de champ d’avoir été soudoyé pour commettre tel ou tel article. Aussi, ce métier ne paye pas parce qu’on est dans un pays où les gens sont allergiques à la lecture, d’où la fameuse boutade « si tu veux cacher quelque chose au malien, mets dans le livre » Quand dans un pays, la jeunesse elle-même fait du livre son ennemi numéro un, quelle prise de tête ! On ne paye un journal que lorsqu’on y fait l’objet d’un article insultant, histoire de découvrir qui en est l’artisan et chercher à le lui faire payer…Un jour, une étudiante m’a dit avec une complaisance insupportable qu’elle préfère payer de la boisson à 250 FCFA que le journal « Le Flambeau » auquel je collabore et qui ne coute que 100 francs dans les espaces universitaires et scolaires. Je n’en revenais pas ! C’est dire, encore une fois, combien il est difficile d’être journaliste au Mali !
  1. 4.      Quelle est ton analyse sur la situation sociopolitique du Mali
Je ne suis ni politologue, ni sociologue mais tout ce que je peux dire c’est que le Mali est en train d’écrire une page des plus lamentables de son histoire. Voilà un pays dont tout le monde disait qu’il est un modèle, en termes de démocratie surtout. Voilà un pays qui était envié pour la stabilité sociopolitique qui y régnait. Et dire qu’il a suffi juste d’un foireux coup d’Etat et d’une rébellion armée pour qu’il succombe, il y a vraiment de quoi être déboussolé ! Pour ma part, je dirais que ce qui arrive au Mali aujourd’hui n’est rien de moins que le résultat de 20 ans de mauvaise gouvernance et de mauvaise pratique de cette démocratie qu’on brandie aussi à toute occasion comme une panacée, alors qu’elle est loin d’en être une ! Le fait est que, après la révolution du 26 mars 1991 qui a mis fin au régime monolithique du Général Moussa Traoré (qui a dirigé le pays de 1968 à 1991), les « démocrates » qui sont venus au pouvoir ont été pires que ceux qu’ils ont remplacés. Et c’est à partir de cette période qu’on a jeté les bases de la domination d’une minorité riche sur une majorité pauvre. Cela est un rappel toujours utile, même si on ne le dit pas assez. Et ceux qui sont nés dans l’aurore de cette démocratie malienne, comme moi, n’ont connu que corruption, népotisme, favoritisme, piston et kleptocratie. Les systèmes éducatif, culturel et sportif ont volé en éclats. Ces phénomènes qui ne vont pas avec la démocratie se sont ancrés même dans l’armée, au point qu’on y entrait plus par le mérite mais par favoritisme, par le piston. Il ne faut s’attendre qu’à un tel effondrement dans un pays où les premiers et les méritants sont les derniers. Et, sans craindre de se tromper, ceux qui ont trouvé la mort ainsi que ceux qui continuent de se battre au Nord du Mali appartiennent à la catégorie des soldats qui sont entrés dans l’armée par conviction, sinon les pistonnés ont pris la clef des champs depuis les premières heures de la guerre et ont fait leur deuil de l’uniforme. Le Mali n’avait pas d’armée ; et même s’il en avait une, elle était facultative. Ce pays n’avait pas les éléments fondamentaux d’un Etat moderne. La puissance d’un Etat se mesure surtout à l’aune de l’état de son système éducatif, son armée… Et, encore une fois, contrairement à une idée reçue, la situation qui prévaut au Mali ne pose pas seulement une question de rébellion, de coup d’Etat ou de terrorisme, c’est aussi un problème de vacuité politique et d’une faiblesse de l’Etat malien.
 5.      Et cette date impérative du 28 juillet pour les élections présidentielles?
Il est n’est plus besoin, à mon sens, de perdre son temps à rappeler qu’il sera difficile de respecter cette date imposée aux autorités maliennes de transition par la communauté internationale, et surtout la France. Témoin la mise en garde du président français M. Hollande qui a déclaré qu’ « ils » seront intraitables sur le respect de cette date. Preuve aussi que le Mali n’a pas le choix, n’a aucune autonomie de décision et donc est obligé de se laisser téléguider comme on conduit un bœuf de labour au champ. Sinon il est clair que les difficultés évoquées par le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (ceni) ne sont pas anodines : retard pris dans la production, donc dans la distribution des cartes, la situation à Kidal, le cas des personnes déplacées… Mais ce qui est déroutant dans l’affaire, c’est que le président de la ceni est le seul à faire cas de ces difficultés !
  1. 6.      Ton pronostic?
Question difficile. Non, la seule chose qu’on peut dire c’est que dans cette élection vainqueur soit le peuple et donc la démocratie. C’est tout ce qu’on peut dire.

  1. 7.      Je te sais maghrebophile, peut-on connaitre ton analyse du printemps arabe
AVT_Akram-Belkaid_9040.pjpegOui, bien sûr, j’aime beaucoup le Maghreb. C’est une région à laquelle je me suis intéressé grâce surtout à un journaliste, Akram Belkaïd, qui a fini par devenir un ami. A propos du « Printemps Arabe », tout ce que je peux dire c’est que ça été un vaste mouvement de contestation qui a secoué beaucoup de pays du monde Arabe. On sait que le mouvement a démarré en Tunisie avec le suicide du jeune Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid, le 10 décembre 2010. Des manifestations ont éclaté avec comme slogan « Dégage ! » lancé contre le président Zine El Abidine Ben Ali. En Egypte, les révolutionnaires ont repris le même slogan. Au Bahreïn, le soulèvement a échoué et ainsi qu’au Yémen où le dictateur Abdallah Saleh a réprimé la contestation avant de finir par démissionner, si mes souvenirs sont bons, le 27 février. Mais ce qui est frappant, c’est que ces révolutions ont des causes communes qui sont, entre autres, les dignités bafouées, la kleptocratie, le mauvais partage des richesses, manque de liberté politique et individuelle… En Syrie, la révolution est toujours en cours et le régime d’Assad continue de faire des milliers de morts. En Libye, Kadhafi a été tué. La révolution a viré à une guerre civile entre la Jamahiriya de Kadhafi et les rebelles du Conseil National de Transition aidés par une intervention internationale sous mandat de l’O.N.U. Ce qui m’amène à préciser une nuance de taille qui est entre ce qui s’est passé en Libye et ce qui s’est passé en Egypte et en Tunisie. Le fait est qu’en Egypte et en Tunisie, ce sont les peuples qui ont conduit les dictateurs Ben Ali et Moubarak à quitter le pouvoir, mais en Libye le CNT n’est qu’une création de l’occident.
  1. 8.      l’islam fondamentaliste est-il une menace pour les pays qui ont connu le printemps arabe?
Je ne suis pas sûr que l’islamisme soit une menace pour ces pays. Le problème est que ces pays du monde arabe se trouvent dans une situation cornélienne : comment faire avec l’islam au moment où les peuples aspirent à plus de démocratie, à la modernité, à plus d’égalité, même entre hommes et femmes ? C’est là une question d’importance à laquelle il n’est pas banal de répondre. Dans des sociétés majoritairement musulmanes, il est impossible de parier sur une disparition de l’islamisme, d’autant plus qu’elles restent conservatrices dans les comportements. Par exemple, au Mali comme en Algérie ou en Tunisie, deux jeunes appartenant tous à des familles musulmanes peuvent vivre longtemps dans le concubinage (ce qui ne cadre pas avec les prescriptions de la loi islamique), mais pour se marier, les parents vont se modeler sur les règles qui régissent le mariage dans l’islam !  Il faut aussi ajouter que la pire des solutions, c’est de vouloir éloigner les islamistes du champ politique ou de refuser de prendre contact avec eux. Et les algériens connaissent bien cette question, car chez eux elle a conduit tout droit à la guerre civile avec l’annulation des législatives remportées par le Front Islamique du Salut (F.I.S). Et aujourd’hui encore, ils sont divisés sur cette question : pourquoi l’armée a annulé ces élections ? Pourquoi n’avoir pas laissé le FIS faire ses preuves ? Mais, il faut éviter d’être naïf, car personne n’est sans savoir que ces formations islamistes n’ont vraiment pas les capacités et les idées requises pour gérer des pays qui se veulent laïcs. Et c’est là qu’on touche à l’une des questions que soulèvent ces partis qui se réclament de la mouvance des « Frères musulmans ». Une fois arrivés au pouvoir, ces partis islamistes se montrent rétrogrades tant sur le plan des mentalités que sur le plan de l’exercice du pouvoir. Ils affichent une volonté de régner sans partage et ne supportent pas d’être critiqués ni par l’opposition ni par la presse. Donc, on peut bel et bien accepter de partager le champ politique avec les islamistes et, dans le même temps, faire confiance au peuple qui sait mieux qui il lui faut au pouvoir.
  1. 9.      Et le cas de la Syrie?
Ce qu’il faut déplorer en Syrie, c’est le fait que la révolution n’appartient au peuple syrien, beaucoup d’autres puissances sont impliquées, les Etats-Unis et la France en tête. Aussi on ne saurait oublier le fait que les rebelles de l’Armée Libre Syrienne sont soutenus par des pays comme le Qatar et l’Arabie saoudite qui tirent les ficelles. Mais ce qui est sûr, c’est que le régime de Bachar Al Assad va finir par tomber.
  1. 10.  Parle-nous de tes auteurs arabes préférés
yasmina-khadraBon, au vrai, je n’ai pas une connaissance bonne de la littérature arabe. Au Maghreb, j’ai lu quelques écrivains tels que Yasmina Khadra (son vrai nom est Mohamed Moulssehoul) qui est algérien comme Mohamed Dib aussi dont j’ai lu le roman ‘’Et si Diable veut !’’, et le marocain Abdelhak Serhane. Je lis aussi l’écrivain Akram Belkaïd, qui est l’un des fins analystes du monde arabe. 
11.  Ces auteurs sont-ils engagés?
Oui, ils le sont. Concernant Akram Belkaïd que je connais le mieux, il suffit de lire son essai « Un regard calme sur l’Algérie » pour saisir le degré de son engagement. Ils y dénoncent des phénomènes comme la corruption, le népotisme, le piston…, s’attaque à des personnalités politiques, des militaires, à la colonisation… 
12.  Quels sont tes mentors?
Il y a un oncle journaliste Amadou Sidibé qui travaille au quotidien « Les ECHOS » où j’ai aussi écrit à un moment donné, et ma mère aussi à qui je dois tout. Mais le plus important est Akram Belkaïd que je prends pour modèle et qui sait bien me conseiller aussi. Même si nous sommes l’un aux antipodes de l’autre : lui vit à Paris et moi à Bamako. 
13.  As-tu un message à passer la jeunesse africaine?
Le seul message que j’ai à adresser à la jeunesse africaine, c’est de se battre, lutter pour prendre sa revanche sur le sort injuste que l’histoire lui a fait.

jeudi 4 juillet 2013

Serge Katembera, un avenir sûr pour l'Afrique

Serge Katembera est Congolais, né en France et étudiant au Brésil. Ce jeune homme agé de 27 ans est devenu un franc fan de son pays d’acceuil, amoureux du Brésil, du football (qu’il aimait avant d’y aller hein!), du portuguais (qui au lieu d’etre un obstacle lui a servi d’alibi pour s’intégrer facilement, sa cuisine,  sa musique dont “les styles variés, est fascinante.
Je l’ai connu par le billet de Mondoblog. Cette plateforme de blogueurs francophone supporté par l’atelier des médias (une émission web participative) de RFI  imaginé par Phillipe Couve et Cédric Kalondji (congolais, grande référence en matière de blogging en Afrique)
Grand amateur de lecture, des livres aux sites internet en passant surtout pas les blogs en français, anglais,portugais; Serge souffre de l’internet addict (je me demande s’il le sait), lisant (je suis sure) la majorité des blogs de la plateforme et donnant chaque fois un commentaire des plus pertinents. Et pas seulement les blogs de mondoblog! Cela fait voir son intérêt sur ce qui se passe un peu partout sur la terre et sa capacité à développer une opinion.
J’ai rencontré le jeune homme à la tignasse à Dakar, pendant la formation organisée pour les mondoblogueurs lauréats au concours. Il discute beaucoup avec, les autres, mais pourtant le jeune homme est timide, calme. Moi je le dis même sage. Il n’a pas ce gout prononcé des jeunes pour la fête à outrance, même s’il avoue trop boire. Je vous rassure tout de suite, c’est un garçon sérieux qui parlerait politique et philosophie pendant des heures tellement cela le passionne.
Un tour sur son blog Carioca Plus, vous permettra certainement de comprendre le goût prononcé de Serge pour le Brésil, le football et la politique. Le “football serait un atout politique affirme-t-il en titre d’un article de la Chronique du Mondial en prévision de la coupe du monde qui aura lieu au Brésil.
C’est une intéressante tribune qui permet de voir les talents de journaliste.  Carioca Plus est une sorte de pont que Serge a su ériger entre l’Afrique et le Brésil. Je me rappelle de son insistance, sa protestation quand je me suis permise de mettre Audrey Pulvar dans mon classement des 7 femmes marquant l’an 2012, me conseillant (pour ne pas dire me recommandant) de mettre (à juste titre) Dilma Rousself ou Fatou Bensouda à la place.
Son blog m’a tenu en haleine (comme beaucoup de ses lecteurs) ces derniers jours, car l’étudiant en sciences politiques ne pouvait s’empêcher de sortir dans la rue pour photographier,écouter, crier, marcher mais aussi analyser cette réaction inattendue du peuple brésilien contre d’abord l’injustice sociale. Mais Serge a autant parlé des dérives et du risque de dénaturation et d’un détournement du mouvement spontanée populaire.
Serge Katembera est un citoyen du monde, il se voit comme un pionnier et écrit “partir de chez moi à 22 ans n’est pas facile surtout si cela signifie traverser  l’atlantique  dans une aventure digne du capitaine Cortès. C’est l’expérience suprême d’une vie de découverte, d’apprentissage et d’humilité à laquelle aucun jeune du 21ème siècle ne devrait déroger”. Ne soyez par étonné qu’il sache chanter les hymnes nationaux de l’Italie, la Marsaillaise,l’hymne congolais, celui du Portugal, du Brésil et de l’Allemagne.
La vie d’etudiant au brésil à permis à ce jeune francophone de se lier avec des jeunes africains lusophones qu’il estime laissé pour compte faute d’une identité linguistique avec  le reste du continent, decouvrant une autre Afrique,d’autres réalités, notamment leur cuisine,encore!.
A cela il faut ajouter l’amour du cinéma, la musique et un amour pour son pays le Congo qui est surtout present sur son autre blog qu'il a appelé le blog de Serge Katembera. Il y parle de toute son ambition pour son pays en proposant de prendre exemple sur le Brésil. Serge est auteur d’articles publiés dans des révues académiques brésiliennes.
Pour bien cerner ce jeune homme qu’on peut qualifier d’exemplaire, je vous propose de suivre cet interview:
1.   Peux-tu te presenter?
Je m’appelle Serge Katembera, je suis diplomé en journalisme et actuellement étudiant chercheur en sciences politiques à l’Université Fédérale de Paraïba au Brésil.
2.   Quelle est ton cursus scolaire?
Je n’ai pas fait d’école maternelle, je ne m’en rappelle pas vraiment d’ailleurs. Je sais que je n’aimais pas trop aller à l’école maternelle, probablement parce que je préférai rester près de ma famille. Après, je suis allé dans des écoles privées sans être très brillant je crois. Ce que je garde en ma mémoire c’est mes études secondaires dans une école catholique de la congrégation des Frères de Saint Joseph. Je ne suis pas catholique, mais j’y ai appris les Avé Maria et Notre père... mais également la discipline personnelle qui allait faire de moi un étudiant plutôt correct. J’ai fait des études en journalisme pendant trois ans et j’ai obtenu ma licence à l’IFASIC en RDC, avant de réaliser mon rêve c’est-à-dire étudier dans une université internationale. En septembre, j’aurai mon diplôme en Science politique. J’écris notamment un mémoire sur la “transition politique et la consolidation de la démocratie en RDC”.
3.   Quel est le thème de tes études et quels sont les diplômes que tu as obtenus ?
Mes premières études universitaires sont en communications et journalisme, alors là c’est une passion car j’ai par la suite écrit un article scientifique sur le theme “société d’information”. Par la suite, je suis allé au Brésil, à Paraíba, pour faire science po à l’Université Fédérale de Paraíba (João Pessoa). Une excelente université qui m’a beaucoup formé notamment grâce aux contacts personnels que j’ai eu avec des nombreux professeurs de qualité venus du monde entier, comme par exemple l’anarchiste de l’université de Saint-Ethienne Daniel Colson, ou le spécialiste en Montesquieu de l’’Université de Chicago Philippe Desein.  Évidemment, j’ai eu d’excellents professeurs brésiliens.
4.   Penses-tu arreter tes etudes après tes études en sciences politiques ?
Je compte faire mon doctorat et même un post-doctorat, mon milieu c’est l’université, c’est un espace qui me permet de penser le monde, de le comprendre avec ses nombreuses mutations.
5.   Comment se passé tes études au Brésil?
université de paraiba
Mes études se sont bien passé jusqu’ici parce que je me suis imposé une discipline à laquelle beaucoup ne sauraient se soumettre. Pendant mes deux premières années d’études, je sortais peu, j’étudiais trop et oubliais de m’occuper de mon corps (c’est importante, car il faut garder une bonne forme physique... ). J’ai publié quatre articles scientifiques dans plusieurs revues universitaires latino-américaines et brésiliennes lors de ma licence, j’ai participé à des groupes de recherche dans l’université. En fait, j’ai vraiment profité de mes années d’études. Il y avait également les fêtes estudiantines.

6.   Que retiens-tu le plus de ce pays ?
Ce que je retiens des brésiliens et de leurs pays c’est leur force intérieure et cette volonté de changer leur destin. C’est peut-être de la mégalomanie comme quand ils ont décidé de créer Brasília en 5 ans, mais cela a marché grâce au génie de l’architecte Oscar Niemeyer. Je suis tombé amoureux de la samba et des nombreux artistes brésiliens comme le chanteur Cazuza (décédé du Sida, c’est un de mes héros). Aujourd’hui le Brésil montre la voie à tous les “pays du sud” leur disant qu’il est possible de se dépasser et de s’inviter dans le concert des nations. Il y a um dicton très célèbre au Brésil devenu la phrase de l’ancien joueur de football et entrainneur Mario Zagalo qui dit: “vocês vão ter que me engolir” c’est-à-dire en gros que “vous serez obligé d’accepter ma présence parmis vous”. C’est un bon état d’esprit. Les brésiliens sont comme ça.
7.   Après les études comptes-tu repartir au Congo ou en France  ou rester au Brésil?
Ça depend, pour rentrer au Congo je dois avoir des bonnes opportunités à la mesure de mes études et de mon investissement personnel. C’est pareil pour la France.
8.   Serge coté jardin?
Pour la famille, j’ai um frère qui vit à Curitiba au Sud du Brésil, un autre au Congo et d’autres en Inde, en Ukraine. Et puis, j’ai une unique soeur.
 9.   Qui est ton mentor?

j’ai plusieurs mentor mais le plus important c’est sans aucun doute mon père, je travaille dure pour l’égaler ou le dépasser sinon je n’aurai rien réalisé dans la vie. Et puis il y a une professeur de Science politique ici dans mon université qui m’a orienté quand je suis arrivé, c’est ma marraine intellectuelle et mon exemple. Elle est également une grande amie.
10.       Quelles sont tes distractions?
Alors, dans mes heures libres, j’aime voir les matchs de football d’Arsenal même si on ne gagne plus assez, le cinema est une vraie passion. J’essaye toujours d’acheter des vieux films ou de les télécharger pour savoir un peu ce qui s’est fait de bon dans le cinema. J’ai par exemple ma propre collection d’Alfred Hitchcock. Après, il y a la literature russe, française. Et tous les jours je cherche à découvrir des nouveaux artiste du jazz, le dernier en date est l’américain Grégory Porter.J’aime écrire mais par dessus tout j’aime les débats. J’ai fait partis des groupes de culture générale à l’école. Alors lorsqu’à un momment de ma vie je me suis senti sans interlocuteurs, j’ai décidé de créer un premier blog, assez amateur, mais à mon image. Là j’ai appris pas mal de techniques, ensuite est venue l’aventure Mondoblog, je l’ai embrassé et je ne regrette rien. J’ai un projet personnel que je souhaite faire passer à l’université et qui aboutira sur une étude approfondie de la plateforme. Enfin, si tout va bien...
11.       Que penses-tu de l’afrique de maintenant
Je n’aime pas trop penser à l’Afrique, cela fait trop mal car on n’avance pas assez vite. Les jeunes n’ont plus d’espoir. Je suivais un réalisateur africain qui disait que les africains préfère « se suicider » en allant en Europe que de continuer de vivre dans leurs pays. Si mon pays pouvait me donner des conditions réelles pour m’épanouir j’y retournerai sans problème, mais ce n’est malheureusement pas le cas.
12.       Peut-on esperer pour le continent?
Je ne condamne pas les jeunes africains, je mets tout la responsabilité, je dis bien toute,  sur nos dirigeants. Mon passage à Dakar en avril dernier m’a permis d’avoir quelques espérances pour le continent. Beaucoup de gens essayent de bouger les choses, de dynamiser la vie économique avec différents types d’innovation. Mais le gros problème demeure la démocratie. Quand les gens disent qu’il faut une démocratie à l’africaine, c’est un leurre. Le changement viendra par les jeunes mais par cette jeunesse issue de l’oligarchie au pouvoir depuis l’indépendance. Dans mon pays, les mêmes familles dirigeantes depuis l’indépendance, les coups d’Etat ne changent que les familles à la tête de l’Etat.
13.       Quel homme politique admire- tu le plus en afrique ? Dans le monde ?
En Afrique j’aime beaucoup Lumumba. J’ai également beaucoup d’admiration pour Nelson Mandela, mais les gens s’attachent au mythe et ignorent qu’en Afrique du Sud les noirs sont encore des esclaves. Je l’ai remarqué il n’y a pas si longtemps lors de mon passage à Joanesbourg. Dans le monde, j’aime beaucoup un italien malheureusement décédé, Norberto Bobbio par la portée de sa pensée politique, c’était un intelectuel comme on en trouve plus aujourd’hui. Et puis, je m’inspire beaucoup de Camus par son courage. J’aime beaucoup sa phrase qui dit “entre ma mère et la liberté, je choisis ma mère”. J’ajouterai sans hésitation Lula da Silva pour tout ce qu’il a représenté pour son pays, c’est très symbolique qu’un ouvrier soit parvenu à occuper la présidence brésilienne. Enfin, il faut rendre hommage à Hugo Chávez, un homme qui savait écouter son peuple et voulait éradiquer les inégalités dans son continent, c’est ça l’idéal suprême de la Gauche.
Faty